Plusieurs scientifiques, membres de la communauté estudiantine, des institutions gouvernementales et de la société civile ont pris part, le 14 mars, à Kinshasa dans la commune de la Gombe, à une conférence scientifique sur les enjeux et les impacts de l’hydroélectricité sur l’environnement et le social.
L’activité a été organisée par la Coalition d’organisations de la société civile pour le suivi des réformes et de l’action publique (Corap) et ses partenaires, dans le cadre de la Journée internationale d’actions pour les rivières. Elle a eu comme objectifs de partager des informations liées au projet grand Inga et pousser les scientifiques à s’y intéresser, de réfléchir sur des recommandations des scientifiques en rapport avec le système de production de l’énergie en république démocratique du Congo (RDC) pour favoriser l’accès de tous à l’électricité et au développement à partir de la base, de discuter sur les impacts environnementaux et sociaux des grands barrages hydroélectriques sur les écosystèmes aquatiques et de réfléchir sur la gestion durable du fleuve Congo.
Ouvrant cette réflexion qui a essentiellement tourné autour de la gestion durable des ressources en eau en RDC, le secrétaire général académique de l’Esforca a rappelé que c’était un sujet à jour et l’intérêt que devaient porter les participants à cette activité. Relevant le contexte de cette activité, le secrétaire exécutif de la Corap, Emmanuel Musuyu, a retracé l’instauration de cette célébration tout en soulignant l’importance de la rivière pour la vie de la planète.
Il a également peint le tableau de la situation actuelle des rivières à travers le pays, particulièrement dans la capitale, Kinshasa. « Les inondations, notamment à Kinshasa, sont la conséquence de la mauvaise gestion des rivières », a-t-il dit. Pour lui, les responsabilités de cette situation chaotique sont partagées entre les ménages, les entreprises, etc., ainsi que le gouvernement, en ce sens que les premiers cités utilisent les rivières comme dépotoirs ou atrophient leurs lits et le gouvernement pèche par manque d’une politique de gestion des immondices et de l’environnement ainsi que de ces rivières. Emmanuel Musuyu a également alerté sur la présence de certains projets qui peuvent impacter négativement les rivières.
Un échange d’idées enrichissant
Dans les deux panels d’intervenants, le représentant de la Régie des voies maritimes, l’ingénieur Nsasa, et celui de la Compagnie des voies fluviales ont établi un état des rivières du pays ainsi que les menaces qui pèsent sur elles. Dorothée Misenga, de la Société civile environnementale, a donné la vue de cette structure sur les rivières du pays.
Erick Kasongo a parlé du projet d’aménagement du fleuve Congo : nécessité de la gestion durable des ressources en eau en RDC et grand barrage face aux écosystèmes aquatiques. Serge Ngimbi a tracé le profil du fleuve Congo alors qu’Apollinaire Nsoka Ngimbi a tablé sur les impacts des grands barrages sur l’environnement et le social : système d’électrification pour le développement de la RDC à partir de la base. Bob Yala de RadioWorkshop a exposé sur un podcast qui retrace les réalités vécues par les communautés d’Inga.
Des conclusions qui appellent à une prise de conscience
Toutes les interventions ont relevé des conséquences négatives de la construction du barrage d’Inga sur la population, l’environnement et l’écosystème. Il s’agit notamment du bénéfice de ce projet qui n’est destiné qu’à servir les intérêts étrangers, avec risque de laisser des dettes à la population congolaise comme les autres éléphants blancs connus dans le pays. Il s’agit aussi des inondations des cités, villages et villes environnantes et de la perte de la biodiversité marine et environnementale que causent ces projets, comme l’a été avec Inga 1, 2 et 3 ; mais également du changement de la qualité de l’eau, de la disparition d’espèces marines et végétales, de la modification de la morphologie et de la biologie du fleuve ainsi que de l’affectation des zones agricoles environnantes, etc.
Relevant le flou qui entoure ce projet que l’on a désormais rebaptisé Aménagement du fleuve Congo, étant donné que les informations à propos ne sont pas partagées, ces scientifiques ont insisté sur la décentralisation du système énergétique ainsi que sur l’adoption d’autres systèmes de production d’électricité dont le recours aux énergies nouvelles et renouvelables (énergies vertes). Ils ont, d’ailleurs, relevé une étude faite par la Corap qui a identifié plus de soixante barrages hydroélectriques abandonnés à travers le pays dont la remise en fonction ne demandera pas un investissement lourd comme l’exige le projet Grand Inga.
Dans les recommandations de ces travaux, en plus des exigences liées à l’abandon du projet d’aménagement du fleuve Congo, la population est appelée à ne plus utiliser les rivières comme dépotoirs et de ne plus atrophier leurs lits par des constructions. Le gouvernement est appelé à concevoir une politique de gestion d’immondices et de l’environnement. Ces scientifiques ont, toutefois, sollicité d’autres cadres de réflexion et d’échange en vue de permettre à chaque partie de bien pénétrer ce sujet et de soutenir la prise des décisions qui conviennent.
Lucien Dianzenza